"Rue Saint-Denis, nous buvons une ambrée post-ateliers avec des étudiants d’un cégep de Montréal-Nord. 21h30, D. entre dans le bar, nous informe que des barricades sont érigées à l’entrée du Cégep du Vieux. Deux alcoolos* ravies foncent vers la rue Ontario. Entre 200 et 300 personnes sur les lieux. Nous passons le long de la barricade : des conteneurs, chaises, tables, et le reste de mobilier qui a bien connu nos emmerdements multiples vers 15 ou 16 ans. L’ennui rendu joyeux est concentré sur des marches.
A l’intérieur, ça grouille d’étudiants masqués qui tentent de se renseigner sur la présence policière (« Ils sont au sixième »), le bureau de l’association étudiante est un joyeux bordel où l’on peint, s’informe sur le possible bed-in de la nuit. Ca parle hausse des frais de scolarité. Quelques étudiants nous parlent de 2005, de la plus grande grève qu’ait connu le Québec. L’atmosphère est grandiose. Nous ressortons, la jeune pousse s’est détachée de son tuteur, elle érige des barricades et envoie valser la gravure.**
Minuit.
Un graff « CVM Resistencia » sur le mur d’entrée du Cégep. Direction l’angle de la rue Sanguinet et la ruelle à l’arrière du Cégep : les undercovers font leur boulot, « regardent les étoiles » (sic), tentent même le traditionnel (grotesque) « vous avez de la weed ? ». Ben oui, puis de la poudre et de l’uranium enrichi que je me ferais un plaisir de te vendre histoire de me faire embarquer illico par tes amis en uniformes. Questions pressantes de quelques manifestants. Ils déguerpissent et réapparaissent un quart d’heure plus tard, plus bas, au coin des rues Ontario et Sanguinet. Ils jouent les putes au grand cœur auprès de jeunes de la rue qui visiblement ne captent pas trop ce qui se passe.
« Interdit de filmer »
Ils s’astiquent méthodiquement devant le « Banquier » en pensant à la multiplication à l’infini des caméras de surveillance en centre-ville et ailleurs, mais font preuve d’une grande pudeur dès l’instant où l’on parvient à saisir sur pellicule leur image de clones abrutis. Le rapport qu’entretiennent les flics avec les enregistrements sonores ou audio rappelle les conceptions de l’abolition des frontières : seul le capital est autorisé à circuler librement, le reste, on s’en fout, ça finit menotté à 3 heures du mat’. Au centre de détention des immigrants à Laval ou dans un poste de police du 21. Ici c'est pareil: seuls les flics auraient le droit de jouer les néo-Niepce (with matraques). Copwatchons, my dear.
La police encercle les environs du Cégep. A l’angle de la ruelle à l’arrière du Cégep/ rue Hôtel de Ville ; coin sud Ontario/ Hôtel de Ville ; coin sud Ontario/ Sanguinet. Deux groupes de manifestants : ceux restés derrière la barricade, les autres sur la rue Ontario, à l’angle de Sanguinet.
Une heure du matin environ
L’escouade anti-émeutes arrive à l’ouest d’Ontario, se poste devant le Cégep. Une autre cohorte de sous Schwarzy descend la rue Sanguinet. Un quart d’heure, ou peut-être une demi-heure de sur place des deux côtés. Entre temps, les caméras de Radio-Canada, TVA et TQS sont arrivées. Puis, on imagine que le commandant in chief lance l’ordre de dégager les petits sauvageons. L’arbitraire suinte dans les uniformes du SPVM. Les anti émeutes chargent, les bottes claquent, un peu plus de 100 manifestants qui étaient derrière les barricades se font encercler (angle nord d’Ontario/Sanguinet). Le reste se retrouve au sud et à l’est de l’angle Ontario/Sanguinet. Les cops balancent du poivre de Cayenne, gazent et matraquent en toute quiétude.
Environ 2 heures du mat’, quatre flics encerclent un manifestant, menotté. Ils remontent la rue Ontario vers l’entrée du Cégep. Ils entrent dans le Cégep, en ressortent une demi heure plus tard, le manifestant est toujours menotté, ils s’en vont vers la rue Hôtel de Ville, le type a juste le temps de lancer deux trois mots aux caméras, en gros « voilà ce qu’on a quand on balance des bonbons ».
Sourire béat, les serviteurs volontaires de la police de Montréal se rassemblent, ils ont maté du « jeune », du « rebelle ». Etre là et voir leur bêtise, leur marche au pas, leur sourire d’embrigadés. Trois heures moins le quart, ils commencent à libérer les 100 manifestants encerclés depuis deux bonnes heures. Quatre par quatre. On t’escorte le jeune, pour ta sécurité, tu vois.
A côté, un groupe d’étudiants anglo proprets se marre : planqués derrière la baie vitrée du bar Ontario/Sanguinet, ils encouragent, bière à la main, les flics à mater du manifestant. L’envie est immense de démonter le bar et d’enfoncer les pompes à bière dans leurs jeunes cerveaux de vieux réacs.
Il est trois heures et demi du matin. La place est vidée. Au petit matin, il ne reste des barricades que le parfum poivré des uniformes. Les ordures sont passées."
*Histoire de donner dans le ton "à destination des lecteurs adéquistes" du "Journal de Montréal".
**Représentation lithographique inaugurale dans « Surveiller et punir » de Foucault. Dans la version que je connais en tout cas.
...un récit sec avant la démolition de la "couverture médiatique" des barricades, ou plutôt du "party" (dixit Le Journal de Montréal du 15/11) organisé au Vieux.
3 commentaires:
les policemen, ce sont les mêmes, au Québec et à Göttingen...
(il semblerait)
Chère mademoiselle B., il n'y a pas que le capital qui voyage. Le vide aussi. Fucking damn Polizei.
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=89457
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