dimanche 27 janvier 2008

Easy bi-lent (part two)


« Il répétait aussi qu’il fallait aborder la vie avec un esprit sain ou bien se pendre. […] Il injuria alors les badauds, en leur disant qu’ils s’empressaient pour écouter des sottises, tandis que pour les choses graves, ils étaient indifférents. » Diogène (413-327 av. JC), Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres



Même si « le Canada, ça peut rien inspirer, même pas un meurtre » (1), il n’empêche que ça peut toujours a minima inspirer un texte, une bouillie hivernale bien tassée, quelque chose de l’ordre de la compression christico-politique. Ouh.


« Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. » Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique


Bien que personne ne puisse aujourd’hui percevoir d’éventuelles alliances entre le Péloponnèse et le Québec et que l’axe Athènes/Montréal ne trouve en aucune manière sa matérialisation à Parc Ex’, il n’en demeure pas moins que celui-ci connaisse un certain prolongement dans cet empressement « pour écouter des sottises » notamment en période électorale. Lors des dernières élections provinciales à l’issue desquelles le trio « Le Capital dans le Canada/ Le Capital hors du Canada/ Le Capital pour les Canadiens » s’est encore une fois distingué dans la course à la « reproduction du même sous différentes modalités », certains « badauds », un peu moins cons que les autres, un peu moins indifférents, avaient décidé, non pas de choisir leurs maîtres, mais d’afficher sur la façade de leurs appartements des panneaux où l’on pouvait lire un fabuleux « Ne votez pas ». Quelques habitants d’Hochelaga avaient donc choisi de faire de cette farce bissextile une représentation publique à leurs fenêtres.


Résulat, le directeur général des élections du Québec avait alors tenté par tous les moyens de mettre un terme à ces joyeuses provocations en menaçant de fermer le site web sur lequel étaient également proférées ces ignominies anarchisantes. Outre les protestations du DGE, il y eut aussi les clips à la télé pour encourager les masses à se faire fourrer dans les règles de l’art. Voix mi-sirupeuse, mi-paternaliste d’une comédienne débauchée par les services de com’ de la province afin d’assurer à la « démocratie représentative » un bel avenir de représentation. Au fond du théâtre, vous trouverez un petit rideau derrière lequel vous pourrez à nouveau choisir vos maîtres. D’ailleurs, on ne dit plus « choisir ses maîtres » mais « cocher une case ». Une petite croix pour oublier les plus grandes. « Révolution tranquille ».

2008 : je me débaptise, je me désinscris. Encore fourrés dans nos grenouillères qu’on nous les casse avec les inscriptions multiples dans des registres. Qu’on grave ton nom dans la sacristie ou dans une annexe miteuse d’une mairie quelconque, tout est un encouragement perpétuel à entrer dans la grande communauté du pareil et du pire.



« J’ai demandé des hommes, pas des déchets ! » (2)


Harnaché sur ses poutrelles, Jésus contemplait la Judée et le reste du monde qui n’allait pas tarder à le convoquer pour rendre un peu plus doux les massacres dont il se réclamerait.

Bien qu’ayant développé depuis un bref (très bref) passage dans les salles de catéchisme d’un prieuré toulousain une certaine haine pour tout ce qui a trait au catholicisme et autres mécanismes subtils ( ?) de contrôle social, j’avais envie de parler de Jésus. Sa sale face et ses exégètes. Ses râles épineux et son instrumentalisation à travers le temps. Car, si certains ont entonné des « Jésus, reviens ! Jésus, reviens ! Jésus, revient parmi les siens. » dans une chapelle désaffectée du Middle West, il (l’harnaché des poutrelles) est bien revenu.

En fait, non, le problème majeur avec Jésus ce n’est pas de n’être jamais (pas encore) « revenu », c’est surtout de n’être jamais vraiment parti. « Jésus, repars ! Jésus, repars ! Jésus, repars parmi les tiens ! » Que ce soit dans les discours des élus du Middle (shit) West ou plus récemment dans celui du Nain en chef un peu plus à l’Est, celui qui a préféré au confort de l’âne porte-rondins de bois les désagréments de la traction manuelle en côte se voit régurgité assez régulièrement dans les discours d’autres élus de tutelle.



2008 : des résolutions qui vaillent ? « Soyez résolus de ne servir plus et vous voilà libres » comme dirait l’autre macchabée dont l’audace a laissé quelques traces ici et là. (3)



(1) Woody Allen, dans « Hollywood ending » si mes capacités mémorielles ne sont pas aussi rouillées que celles du vieux schnock clarinettiste.


(2) Non il ne s’agit pas de Jésus bloqué dans le centre de collecte de bacs verts de Nazareth en grève avant une A.G. apostolique mais encore ce taré de Diogène quelque temps avant la naissance de l’otage.


(3) Dans la série « Jésus n’a pas le monopole de la réincarnation », s’il y a bien une chose qui s’incarne et se réincarne encore avec une force inégalée, ce sont les nombreuses incongruités que l’on peut déceler dans la domiciliation des partis politiques. Si, comme tous les benêts vaguement anarchisants, vaguement « cultivés », le nom de La Boétie était associé jusqu’alors pour vous à l’un des théoriciens de l’anti-autoritarisme et de la subversion du Sud-Ouest, un sérieux infarctus du myocarde vous guette. N’importe quel quidam curieux d’associer au « Discours… » un visage en collerette trouve sur Google Images, outre le traditionnel portrait old school du « pote à Montaigne », une série de photos comprenant au hasard un immeuble haussmannien aussi raide que ses propriétaires, une grappe de pouffes en T-Shirts « 100% in love with Sarkozy » (sic) et une carte de visite du parti dudit Don Juan sérigraphié. Celui qui se demanda en son temps comment nous avions fait de nous des serviteurs volontaires toujours plus prompts à défendre corps et âme notre servitude habituelle se retrouve aujourd’hui sur les enveloppes du parti le plus con de France (si tant est qu’il y ait vraiment une gradation dans la connerie inter-partisane). Quand ils envoient leurs demandes d’adhésion à Paris, les « sympathisants » du « mouvement populaire » prennent-ils l’exacte mesure de l’absurdité* qui naît de la cohabitation graphique entre le génial et le merdique ? Non, et c’est précisément la raison pour laquelle ils adhèrent à ce conglomérat de branques.



*L’absurde, c’est quand La Boétie devient l’adresse d’un parti de serviteurs, et que l’auteure de ces lignes doit encore préciser qu’il s’agit d’un pléonasme.




jeudi 24 janvier 2008

Reprise des hostilités : bi-lent en toute hâte (part one)


« Je suis l’esprit qui toujours nie ; et c’est avec justice : car tout ce qui existe est digne d’être détruit, il serait donc mieux que rien ne vînt à exister. Ainsi, tout ce que vous nommez péché, destruction, bref, ce qu’on entend par mal, voilà mon élément. » Méphistophélès dans Faust, de Goethe, 1808



On a souvent dit qu’enseigner l’Histoire pouvait éviter de « reproduire les erreurs du passé » (on entend par « erreur » les anéantissements multiples de type « Ignacio de Loyola prépare des feux de joie pour les hérétiques Middle Ages », le gouvernement suppôt de la Couronne frémit dans ses annexions de territoires autochtones de Kanesatake à la Baie d’Hudson, le SPVM fait bon usage du concept d’arme « non-létale » mais vaut mieux passer à l’hôpital après, quand même…) Nous n’avons rien appris en 2007, à part peut-être un certain raffinement dans les homothéties multiples. Précis de géométrie dans l’espace : l’Histoire est un puits sans fond dans lequel les cafards assimilent leur chute à une ascension vers les cieux. Newton à l’envers. Encore une année sémillante d’ordures, de tasers mal ajustés et de résistances multiples à Montréal et ailleurs.


2007 : Kader Belaouni expérimente le concept plus vraiment conceptuel de sur-place ecclésiastique dans une annexe de St Henri. Deux ans que les groupes communautaires du Sud Ouest et d’ailleurs « au pays » effectuent leur travail de copiste auprès du ministère fédéral de l’immigration (« un statut pour Kader, please my good Lord ministre »). Depuis la visite au milieu des années 90 de l’ex premier ministre Jean Chrétien en Algérie, la politique canadienne en matière de ressources « humaines » et naturelles a pris un virage tout à fait intéressant en ce qui concerne la délivrance de visas et autres petits papiers anti squattage de presbytères locaux. Weirdly enough, ce que les poudrés des services diplomatiques appellent les « accords bilatéraux » entre le Canada et l’Algérie (notamment) ont conditionné une toute autre approche de la politique d’ « accueil » des « ressortissants » issus des pays bizarres où l’échevelé brun (1) pousse son premier cri de bizarre parmi les bizarres.


Au ministère de l’immigration du Canada, la seule chose qui s’agite vraiment, c’est l’oriflamme fleur-d’érablisé au-dessus du bureau du grand officier en chef aka Diane Finley, boss dont la surdité n’a d’égal que l’alignement sur les politiques intérieures et extérieures US. Il fut un temps où les journalistes commentaient abondamment la dissociation stratégique des gouvernements fédéraux par rapport aux politiques étrangères américaines. Le presque bec de lièvre de Jean Chrétien et la mollesse très canadienne de Paul Martin inspiraient encore une certaine retenue voire une prudence relative (et discursive pour le moins) par rapport aux politiques néo-impérialistes des fucking voisins du bas. L’horizon new yorkais n’est peut-être plus barré par des tours clones, il n’empêche que l’autre, mondial, canadien, l’est par une symétrie totale en matière de politiques intérieures et extérieures. Qu’est ce qu’elle raconte la chieuse expatriée ? Eh bien qu’on a vu depuis le début des années 2000 une accélération des mesures de « sécurité intérieure », un durcissement des contrôles en matière d’immigration en provenance des pays blacklistés par les sbires de W. Résultat, les visas se font aussi rares que la jouissance dans un pavillon de l’Outaouais. Et Kader Belaouni contemple toujours l’horizon sous un crucifix périphérique.


« Là où ils font un désert, ils appellent cela la paix. » (2)


2007 s’aligne sur le bushisme, 2008 s’enligne en Afghanistan. Si la France se fait assez discrète au sujet (non-sujet) de l’envoi de troupes à Kandahar, le Canada lui a fait le choix d’une communication très patriotique en matière de guerre qui n’est en pas. Supposément. En 2007, la section télévisée de Radio-Canada aura consacré quasiment à chaque ouverture de JT cinq bonnes minutes à la « mission humanitaire » canadienne en Afghanistan. Inclus le « nous » de circonstance qui fait de celui qui s’en exclut un traître de première (ligne). « Nos » soldats font de l’humour sur un champ de mines, la mine se fait douce.

Quand les reporters de RadCan ne sont pas déployés sur la base de Val Cartier au service de com' des enrôlés, ils assurent à distance la construction d'une guerre soft (l'humanisme embarqué dans un char d'assaut): au second plan d’un énième reportage sur « nos » soldats « loin de chez nous » à qui il arrive des truc pas cools loin de chez eux, on pouvait apercevoir ce que signifie très concrètement l’union fraternelle des intérêts capitalistes et gouvernementaux en terres étrangères (as well). Oui, une fois que Pete a vidé son gun sur les barbus , il peut s’abreuver gratis au stand Tim Hortons installé sur place. Café, bagels, donuts in your face caporal. « Un peu plus bas dans la vallée, on assistait à l’ouverture concomitante des écoles et des caveaux afghans. » (3)


A suivre : la bonté du SPVM, les dernières élections provinciales, le procès de Barbara Legault, des nouvelles de « Jésus, ce dictateur indirect depuis 2000 ans » selon les mots du sieur Cioran (4)




(1) On a beau être sourd au ministère, on n’est pas aveugle pour autant. On notera d’ailleurs un grand souci chromatique des Akaki Akakiévitch de l’immigration d’Ottawa quand il s’agit de distinguer le « bon grain de l’ivraie » parmi les sous-produits de l’Axe du Pas Bien.


(2) Tacite, Vie d’Agricola. (l’auteure ne découvrit pas que les paroles de cette vieille croûte sage en 2007. ô vous jeune croûte peu sage…)


(3) Nous pourrons toujours nous souvenir des ordures quand nous quitterons Trenton pour Toronto. Gloire à l'asphalte, gloire aux "héros", au Canada, même l'autoroute pue le patriotisme.


(4) En 2008, qu’un esprit vil arrache à pleines mains cette putain d’incongruité qui plombe la sépulture d’Emil. Il vomissait la, les religions, il se retrouve coincé sous une pierre tombale flanquée de deux micro parpaings de ferraille perpendiculaires. Non seulement le nom de Cioran cohabite avec les réminiscences d’un plaisir clouté, mais il s’emmerde ferme auprès d’une chandelle qui illumine par l’arrière les contorsions geignardes du « dictateur indirect ». De grâce profanateurs du Montparnasse, la section bricolage du BHV doit bien solder marteaux et burins salvateurs, nope ?