samedi 17 novembre 2007

Pas de "grabuge", des barricades


Entrée du Cégep du Vieux-Montréal, 13 novembre, 22h


"Rue Saint-Denis, nous buvons une ambrée post-ateliers avec des étudiants d’un cégep de Montréal-Nord. 21h30, D. entre dans le bar, nous informe que des barricades sont érigées à l’entrée du Cégep du Vieux. Deux alcoolos* ravies foncent vers la rue Ontario. Entre 200 et 300 personnes sur les lieux. Nous passons le long de la barricade : des conteneurs, chaises, tables, et le reste de mobilier qui a bien connu nos emmerdements multiples vers 15 ou 16 ans. L’ennui rendu joyeux est concentré sur des marches.

A l’intérieur, ça grouille d’étudiants masqués qui tentent de se renseigner sur la présence policière (« Ils sont au sixième »), le bureau de l’association étudiante est un joyeux bordel où l’on peint, s’informe sur le possible bed-in de la nuit. Ca parle hausse des frais de scolarité. Quelques étudiants nous parlent de 2005, de la plus grande grève qu’ait connu le Québec. L’atmosphère est grandiose. Nous ressortons, la jeune pousse s’est détachée de son tuteur, elle érige des barricades et envoie valser la gravure.**

Minuit.

Un graff « CVM Resistencia » sur le mur d’entrée du Cégep. Direction l’angle de la rue Sanguinet et la ruelle à l’arrière du Cégep : les undercovers font leur boulot, « regardent les étoiles » (sic), tentent même le traditionnel (grotesque) « vous avez de la weed ? ». Ben oui, puis de la poudre et de l’uranium enrichi que je me ferais un plaisir de te vendre histoire de me faire embarquer illico par tes amis en uniformes. Questions pressantes de quelques manifestants. Ils déguerpissent et réapparaissent un quart d’heure plus tard, plus bas, au coin des rues Ontario et Sanguinet. Ils jouent les putes au grand cœur auprès de jeunes de la rue qui visiblement ne captent pas trop ce qui se passe.


« Interdit de filmer »

Ils s’astiquent méthodiquement devant le « Banquier » en pensant à la multiplication à l’infini des caméras de surveillance en centre-ville et ailleurs, mais font preuve d’une grande pudeur dès l’instant où l’on parvient à saisir sur pellicule leur image de clones abrutis. Le rapport qu’entretiennent les flics avec les enregistrements sonores ou audio rappelle les conceptions de l’abolition des frontières : seul le capital est autorisé à circuler librement, le reste, on s’en fout, ça finit menotté à 3 heures du mat’. Au centre de détention des immigrants à Laval ou dans un poste de police du 21. Ici c'est pareil: seuls les flics auraient le droit de jouer les néo-Niepce (with matraques). Copwatchons, my dear.

La police encercle les environs du Cégep. A l’angle de la ruelle à l’arrière du Cégep/ rue Hôtel de Ville ; coin sud Ontario/ Hôtel de Ville ; coin sud Ontario/ Sanguinet. Deux groupes de manifestants : ceux restés derrière la barricade, les autres sur la rue Ontario, à l’angle de Sanguinet.

Une heure du matin environ

L’escouade anti-émeutes arrive à l’ouest d’Ontario, se poste devant le Cégep. Une autre cohorte de sous Schwarzy descend la rue Sanguinet. Un quart d’heure, ou peut-être une demi-heure de sur place des deux côtés. Entre temps, les caméras de Radio-Canada, TVA et TQS sont arrivées. Puis, on imagine que le commandant in chief lance l’ordre de dégager les petits sauvageons. L’arbitraire suinte dans les uniformes du SPVM. Les anti émeutes chargent, les bottes claquent, un peu plus de 100 manifestants qui étaient derrière les barricades se font encercler (angle nord d’Ontario/Sanguinet). Le reste se retrouve au sud et à l’est de l’angle Ontario/Sanguinet. Les cops balancent du poivre de Cayenne, gazent et matraquent en toute quiétude.

Environ 2 heures du mat’, quatre flics encerclent un manifestant, menotté. Ils remontent la rue Ontario vers l’entrée du Cégep. Ils entrent dans le Cégep, en ressortent une demi heure plus tard, le manifestant est toujours menotté, ils s’en vont vers la rue Hôtel de Ville, le type a juste le temps de lancer deux trois mots aux caméras, en gros « voilà ce qu’on a quand on balance des bonbons ».

Sourire béat, les serviteurs volontaires de la police de Montréal se rassemblent, ils ont maté du « jeune », du « rebelle ». Etre là et voir leur bêtise, leur marche au pas, leur sourire d’embrigadés. Trois heures moins le quart, ils commencent à libérer les 100 manifestants encerclés depuis deux bonnes heures. Quatre par quatre. On t’escorte le jeune, pour ta sécurité, tu vois.

A côté, un groupe d’étudiants anglo proprets se marre : planqués derrière la baie vitrée du bar Ontario/Sanguinet, ils encouragent, bière à la main, les flics à mater du manifestant. L’envie est immense de démonter le bar et d’enfoncer les pompes à bière dans leurs jeunes cerveaux de vieux réacs.

Il est trois heures et demi du matin. La place est vidée. Au petit matin, il ne reste des barricades que le parfum poivré des uniformes. Les ordures sont passées."


*Histoire de donner dans le ton "à destination des lecteurs adéquistes" du "Journal de Montréal".

**Représentation lithographique inaugurale dans « Surveiller et punir » de Foucault. Dans la version que je connais en tout cas.


...un récit sec avant la démolition de la "couverture médiatique" des barricades, ou plutôt du "party" (dixit Le Journal de Montréal du 15/11) organisé au Vieux.


vendredi 9 novembre 2007

Emission du 7 novembre


Oui, c’est vrai nous maudissons souvent à peu près tout le monde. Sauf qu’ il arrive parfois que les laquais soient particulièrement ravis quand la voix de Barbara Legault se mêle à celle de Keny Arkana. Par exemple.



L’an dernier, Barbara Legault signait dans la revue A Bâbord ! un article qui visait à déconstruire le discours -d’un avant-gardisme sans égal- des groupes masculinistes. Sauf que quelque temps après, Andy S. aka le funambule du Pont Jacques-Cartier et accessoirement membre du groupe Fathers4Justice assignait en justice l’auteure de l’article et la revue dans laquelle il avait été publié. Nous avions alors reçu Barbara qui nous avait parlé de l’éventuel procès qu’elle risquait d’encourir. Aujourd’hui, Barbara et la revue A Bâbord ! sont en procès avec « Andy ». Au-delà de la volonté des réacs mascus de court-circuiter les activités des féministes, nous avons abordé avec Barbara la question de l’état actuel des luttes féministes. Le féminisme radical en tant que lutte visant, non pas l’aménagement -via des législations- du système patriarcal, mais sa destruction, fournit une grille d’analyse politique matérialiste (fabuleuse/inspirée) des mécanismes d’oppression qui ont permis au système patriarcal de maintenir les femmes dans un rapport de subordination totale. En gros, nous avons parlé d’exploitation du travail des femmes, que celui-ci soit rémunéré (travail salarié) ou pas (travail domestique).

En 68, des connards organisaient une contre manif à Paris enjoignant les autorités de rétablir « l’ordre », avec les mascus en 2007 c’est pareil : ce qu’ils voudraient rétablir, en « se faisant justice » c’est la société d’avant les luttes féministes. Grosso modo, une société dans laquelle les femmes étaient considérées au mieux comme des sous-merdes. Des reproductrices silencieuses, des utérus qui faisaient à bouffer sans broncher. Le procès en diffamation que vit aujourd’hui Barbara Legault, c’est un peu la réédition perpétuelle de l’histoire des mouvements révolutionnaires et contre-révolutionnaires. Quand ils sentent que l’arbitraire se dérobe, ils tentent de museler. Par tous les moyens, les « contras » mascus tentent d’abolir les espaces de parole et d’action dégagés dans la lutte par les féministes. Ils convoquent l’Etat pour perpétuer un système qui leur a assuré une position tout à fait délicieuse puisque parfaitement dominante. Ils s’en réfèrent à l’incarnation du patriarcat pour mieux écraser celles qui renversent une posture de sujétion traditionnelle. But « if you can bake a cake, you can make a bomb », my dear friends.




Retour avec Guillaume de No borders sur l’action organisée conjointement avec No one is illegal, Solidarity across borders, Bloquez l’empire et la Otra Montréal –entre autres- samedi 10 novembre au Centre de détention de Laval ou officiellement « centre de prévention de l’immigration ». Dans son édition 2007 revue et corrigée, le dictionnaire Harper© signalait qu’on pouvait entendre par « prévention de l’immigration » un « accompagnement en cellule personnalisé ante déportation ». En fait, le « centre de prévention » de Laval, c’est un peu comme une salle d’attente d’aéroport géante où les passagers auraient le privilège de voyager comme leur chien. Si la définition du dictionnaire vous semble incorrecte, vous pouvez vous joindre au campement organisé samedi.

Rassemblement au Square Cabot
11 heures: soupe populaire
13 heures: départ en autobus vers le centre de détention
Pour réserver une place dans l'autobus, écrivez à:
nobordersmontreal@no-log.org
514 848 7583



« Téméraire ou casse-gueule » la "grève (non) générale illimitée" dans laquelle s’est lancée l’AFESH-UQAM, pour citer le laquais S. ? Ni l’une ni l’autre selon notre invitée. Plutôt audacieuse selon elle. D’autant plus « audacieuse » qu’aucun mouvement de grande envergure ne semble prendre. (Don't) wait and see.



De l’utilité de la mort aux rats dans le petit noir du matin : revue de presse with « La Presse »

Quand ils boivent leur dose de caféine quotidienne gratos au café du coin, les cops actualisent certainement leur rôle de justiciers de l’humanité. Les tenanciers avertissent que s’ils s’amusent à faire payer le moka aux forces de l’ordre, lesdites enflures dégagent aussitôt. Faites, faites. De grâce « garçon », activez vos glandes salivaires, un café aux frais de la maison ne saurait être dépourvu d’une tendre marque d’affection, une touche éminemment personnelle, quelque chose qui distingue votre établissement. Propriétaires de tous les Starbucks, forget l’équitable, ce n’est pas en caféine respectueuse des travailleurs que vos grains devraient être enrichis mais en plutonium. Enjoy your cappuccino !

Toujours à propos des joies de l’alimentaire, un article s’intéressait aux « frais de bouche » et autres détournements de fonds publics de la mairie du très prolo quartier Outremont. Il semblerait que nos amis les riches aient une conception de la « redistribution » des plus intéressantes : ils redistribuent, certes, mais entre eux. Le mouvement « Du caviar pour les connards » prend de l’ampleur.


A celle qui diffame :


Keny Arkana, « La rage » (F)
Les Rita Mitsouko, “Andy” (F)
Les Sales Majestés, “Les patrons” (F)
Arseniq 33, « Au secours la police » (Qc)
Kiss me deadly, « Dance 4 » (Cdn)


Juste signaler que les ateliers organisés par le RAPSIM (Réseau d’Aide aux Personnes Seules et Itinérantes de Montréal) et le Groupe de recherche "Médiation sociale en contexte de squattage" de l’UQAM mercredi 7 novembre sur les pratiques de squattage -donc- étaient tout simplement fabuleux. De la résistance à Molluskland.


lundi 5 novembre 2007

Emission du 31 octobre


Ah, horreur, des hordes de nains en shorts orange squattent les rues pour réclamer leur dose de glucose annuelle. Au-delà de cette parade des lardons transformés en sorcièr-e-s juvéniles, le laquais A., séparée du laquais S. (aliénée quelque part ailleurs à Montréal), vous a emmerdé une fois de plus avec ce qui s’apparente à une « chasse aux sorcières » version 2007, à savoir une éradication des immigrants et des militants anti-guerre. Nous avons donc reçu Kader Belaouni, Frisou de la Otra Campana - Montréal et Francis Dupuis-Déri.


Début janvier 2006, Kader Belaouni, un immigrant algérien d’Oran, prenait refuge dans le sanctuaire de l’église St Gabriel de Pointe Saint-Charles pour éviter une déportation vers son pays d’origine. Depuis, un collectif a été fondé afin de l’appuyer dans ses démarches pour obtenir la régularisation de son statut. Sauf que, malgré la mobilisation qui s’est créée autour de Kader, incluant divers groupes communautaires du quartier et d’ailleurs, la ministre fédérale de l’immigration semble être frappée par un phénomène de déni total. Donc, au lieu d’envoyer des mini cartes ridicules de « bonne année » (… « mon cul », comme dirait Desproges) modèle « Hiver sous la neige acrylique en terre adéquiste », pensez plutôt à adresser vos vœux pleins de bienveillance à l’égard de la ministre fédérale de l’immigration, Diane Finley. On nous rapporte d’ailleurs que ce nouveau contact que vous vous ferez un plaisir d’inscrire dans votre carnet d’adresses souffrirait d’une surdité profonde. Enfin, la surdité gouvernementale, c’est comme la mémoire, sélective, très sélective. Voici donc les « coordonnées » de Diane :

Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6
Téléphone : (613) 996-4974
Fax: (613) 996-9749

Courriel :
minister@cic.gc.ca

Car, à en croire les pratiques du gouvernement canadien en matière d’immigration, un « bon » immigrant, c’est un diplômé plein aux as, pas trop basané de préférence. Et pour peu que le requérant provienne d’un pays inscrit sur la fameuse « black list » émise par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, il est assez bien placé pour retourner directement s’amuser dans l’ « axe du Mal ». C’est vrai, la sélection d’un individu au profit d’un autre selon des critères d’origine, c’est « bien ».

Collectif "Soutien pour Kader": www.soutienpourkader.net



Toujours à Montréal en octobre, on peut voir fleurir un peu partout des affiches ayant pour slogan : « Le Mexique : au-delà de votre imagination ». C’est juste, car, s’il y a bien une chose qui va au-delà, bien au-delà, de notre imagination au Mexique, c’est la répression qu’exerce de façon systématique l’Etat sur les mouvements sociaux. On se souvient notamment de la mobilisation à Atenco contre l’installation d’un aéroport, et plus récemment la protestation des vendeurs de fleurs contre l’installation d’un Wal-Mart. Et puis il y a eu Oaxaca, avec le mouvement des enseignants, réprimé sur ordre du gouverneur de la province, le priiste Ulises Ruiz. En appui à ces mouvements populaires, le collectif la Otra Campana-Montréal organise une soirée de financement vendredi 2 novembre au Rhizome, situé au 1800, Létourneux, dans le quartier Hochelaga (métro Pie IX). Au programme, la diffusion d’un documentaire et des groupes punks (quelle décadence au Rhizome…) et hip hop notamment.

contact: ici_lasexta@yahoo.ca


Ah, horreur, des hordes de zombies en shorts kaki squattent les rues de Kandahar pour réclamer leur dose d’hémoglobine annuelle. Mais si le zombie en short kaki est un bon père de famille, aimant les sports de plein air et le scrabble, alors la tuerie n’en est que plus douce. « Là où ils font un désert, ils appellent cela la paix ».*

Nous avons donc reçu Francis Dupuis-Déri, professeur de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal, au sujet de la parution de son dernier ouvrage intitulé « L’éthique du vampire- de la guerre d’Afghanistan et quelques horreurs du temps présent ». Nous avons abordé avec lui la question du discours de légitimation de l’invasion militaire canadienne en Afghanistan. Présentée comme une mission humanitaire option « construction d’écoles et émancipation de ces petits êtres fragiles aka les femmes afghanes », la « présence » canadienne participe de la formule orwellienne « la guerre, c’est la paix ». En d’autres termes, Harper et ses courtisans d’Ottawa et d’ailleurs (incluant députés et rédac chefs de la plupart des médias privés et publiques) s’évertuent à construire l’image du militaire en tant que héros des temps modernes, dont l’humanisme supposé, embarqué dans un char d’assaut, démentirait toute suspicion de néo-colonialisme 2007. « Nos » soldats sont de braves gens, en fait. La déconstruction du discours canadien de légitimation de la guerre d’Afghanistan repose –entre autres- sur une relecture du « Fardeau de l’homme blanc » de Kipling, discours qui a permis aux puissances coloniales d’asseoir leurs politiques impérialistes sur des motifs supposément « humanistes » (« tiens, tu la vois bien ma civilisation, fucking autochtone ? »). Et comme la tentation était grande, nous avons également parlé des non mobilisations étudiantes (ou mobilisations « faibles », pour faire taire mes penchants misanthropes). Enfin, là où ils font un désert, certains, dont Francis Dupuis-Déri, appellent cela la guerre.

Lancement du livre: 13 novembre à l'Alizée, 900, Ontario Est. Montréal



Claquements de doigt du macchabée :

Deweare, « Tiger woman » (Cdn)
Brixton Cats, « Enfants du système » (F)
Didier Super, « On va tous crever » (F)
Légitime Défonce, « Esclave moderne » (F)
Boris Vian, « Le déserteur » (F)
Paris Violence, « Made in Paris » (F)
Didier Super, « Y en a marre des pauvres » (F)
Les Rita Mitsouko, « Y a d’la haine » (F)


*Tacite