jeudi 24 janvier 2008

Reprise des hostilités : bi-lent en toute hâte (part one)


« Je suis l’esprit qui toujours nie ; et c’est avec justice : car tout ce qui existe est digne d’être détruit, il serait donc mieux que rien ne vînt à exister. Ainsi, tout ce que vous nommez péché, destruction, bref, ce qu’on entend par mal, voilà mon élément. » Méphistophélès dans Faust, de Goethe, 1808



On a souvent dit qu’enseigner l’Histoire pouvait éviter de « reproduire les erreurs du passé » (on entend par « erreur » les anéantissements multiples de type « Ignacio de Loyola prépare des feux de joie pour les hérétiques Middle Ages », le gouvernement suppôt de la Couronne frémit dans ses annexions de territoires autochtones de Kanesatake à la Baie d’Hudson, le SPVM fait bon usage du concept d’arme « non-létale » mais vaut mieux passer à l’hôpital après, quand même…) Nous n’avons rien appris en 2007, à part peut-être un certain raffinement dans les homothéties multiples. Précis de géométrie dans l’espace : l’Histoire est un puits sans fond dans lequel les cafards assimilent leur chute à une ascension vers les cieux. Newton à l’envers. Encore une année sémillante d’ordures, de tasers mal ajustés et de résistances multiples à Montréal et ailleurs.


2007 : Kader Belaouni expérimente le concept plus vraiment conceptuel de sur-place ecclésiastique dans une annexe de St Henri. Deux ans que les groupes communautaires du Sud Ouest et d’ailleurs « au pays » effectuent leur travail de copiste auprès du ministère fédéral de l’immigration (« un statut pour Kader, please my good Lord ministre »). Depuis la visite au milieu des années 90 de l’ex premier ministre Jean Chrétien en Algérie, la politique canadienne en matière de ressources « humaines » et naturelles a pris un virage tout à fait intéressant en ce qui concerne la délivrance de visas et autres petits papiers anti squattage de presbytères locaux. Weirdly enough, ce que les poudrés des services diplomatiques appellent les « accords bilatéraux » entre le Canada et l’Algérie (notamment) ont conditionné une toute autre approche de la politique d’ « accueil » des « ressortissants » issus des pays bizarres où l’échevelé brun (1) pousse son premier cri de bizarre parmi les bizarres.


Au ministère de l’immigration du Canada, la seule chose qui s’agite vraiment, c’est l’oriflamme fleur-d’érablisé au-dessus du bureau du grand officier en chef aka Diane Finley, boss dont la surdité n’a d’égal que l’alignement sur les politiques intérieures et extérieures US. Il fut un temps où les journalistes commentaient abondamment la dissociation stratégique des gouvernements fédéraux par rapport aux politiques étrangères américaines. Le presque bec de lièvre de Jean Chrétien et la mollesse très canadienne de Paul Martin inspiraient encore une certaine retenue voire une prudence relative (et discursive pour le moins) par rapport aux politiques néo-impérialistes des fucking voisins du bas. L’horizon new yorkais n’est peut-être plus barré par des tours clones, il n’empêche que l’autre, mondial, canadien, l’est par une symétrie totale en matière de politiques intérieures et extérieures. Qu’est ce qu’elle raconte la chieuse expatriée ? Eh bien qu’on a vu depuis le début des années 2000 une accélération des mesures de « sécurité intérieure », un durcissement des contrôles en matière d’immigration en provenance des pays blacklistés par les sbires de W. Résultat, les visas se font aussi rares que la jouissance dans un pavillon de l’Outaouais. Et Kader Belaouni contemple toujours l’horizon sous un crucifix périphérique.


« Là où ils font un désert, ils appellent cela la paix. » (2)


2007 s’aligne sur le bushisme, 2008 s’enligne en Afghanistan. Si la France se fait assez discrète au sujet (non-sujet) de l’envoi de troupes à Kandahar, le Canada lui a fait le choix d’une communication très patriotique en matière de guerre qui n’est en pas. Supposément. En 2007, la section télévisée de Radio-Canada aura consacré quasiment à chaque ouverture de JT cinq bonnes minutes à la « mission humanitaire » canadienne en Afghanistan. Inclus le « nous » de circonstance qui fait de celui qui s’en exclut un traître de première (ligne). « Nos » soldats font de l’humour sur un champ de mines, la mine se fait douce.

Quand les reporters de RadCan ne sont pas déployés sur la base de Val Cartier au service de com' des enrôlés, ils assurent à distance la construction d'une guerre soft (l'humanisme embarqué dans un char d'assaut): au second plan d’un énième reportage sur « nos » soldats « loin de chez nous » à qui il arrive des truc pas cools loin de chez eux, on pouvait apercevoir ce que signifie très concrètement l’union fraternelle des intérêts capitalistes et gouvernementaux en terres étrangères (as well). Oui, une fois que Pete a vidé son gun sur les barbus , il peut s’abreuver gratis au stand Tim Hortons installé sur place. Café, bagels, donuts in your face caporal. « Un peu plus bas dans la vallée, on assistait à l’ouverture concomitante des écoles et des caveaux afghans. » (3)


A suivre : la bonté du SPVM, les dernières élections provinciales, le procès de Barbara Legault, des nouvelles de « Jésus, ce dictateur indirect depuis 2000 ans » selon les mots du sieur Cioran (4)




(1) On a beau être sourd au ministère, on n’est pas aveugle pour autant. On notera d’ailleurs un grand souci chromatique des Akaki Akakiévitch de l’immigration d’Ottawa quand il s’agit de distinguer le « bon grain de l’ivraie » parmi les sous-produits de l’Axe du Pas Bien.


(2) Tacite, Vie d’Agricola. (l’auteure ne découvrit pas que les paroles de cette vieille croûte sage en 2007. ô vous jeune croûte peu sage…)


(3) Nous pourrons toujours nous souvenir des ordures quand nous quitterons Trenton pour Toronto. Gloire à l'asphalte, gloire aux "héros", au Canada, même l'autoroute pue le patriotisme.


(4) En 2008, qu’un esprit vil arrache à pleines mains cette putain d’incongruité qui plombe la sépulture d’Emil. Il vomissait la, les religions, il se retrouve coincé sous une pierre tombale flanquée de deux micro parpaings de ferraille perpendiculaires. Non seulement le nom de Cioran cohabite avec les réminiscences d’un plaisir clouté, mais il s’emmerde ferme auprès d’une chandelle qui illumine par l’arrière les contorsions geignardes du « dictateur indirect ». De grâce profanateurs du Montparnasse, la section bricolage du BHV doit bien solder marteaux et burins salvateurs, nope ?



3 commentaires:

Anonyme a dit…

From Roma to Montreal, between Brittany and Kaboul...


"Au-delà, plus aucun peuple, plus rien. Rien que des vagues, des écueils et une menace encore plus grande, celle des Romains.

Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur fierté méprisante en vous effaçant dans l'obéissance. Le monde entier est leur proie. Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à ruiner. Alors, c'est la mer qu'ils fouillent !

Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L'Orient, pas plus que l'Occident, n'a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les terres d'abondance et de misère.

Rafler, massacrer, saccager, c'est ce qu'ils appellent à tort asseoir leur pouvoir. Là où ils font un désert, ils apellent cela la paix."




(Nouvelle traduction par Danielle de Clercq. J'ai remis la dernière phrase selon la trad habituelle -ubi solitudinem faciunt, pacem appellant-

Elle propose : "Font-ils d'une terre un désert ? Ils diront qu'ils la pacifient."

qui n'est pas mal du tout mais qui a le tort de couper la phrase latine et d'introduire une interrogative là où il n'y en a pas...)

Anonyme a dit…

Danielle de Clercq devrait pourtant savoir que 2008 signe l'anéantissement des points d'interrogation dans ma ponctuation.

Anonyme a dit…

Puisqu'il semble que l'amicale du "question mark" se soit auto-dissoute aux alentours du 16 décembre 2007, je vais réfléchir à une énième traduction de cette fuckin' dernière intraduisible sentence.

J'ai tout le temps.

Mon passé n'est plus qu'un désert.